Il y a des romans comme ça, qui nous accaparent dès les premières pages, qui nous aspirent, en quelque sorte. Le Manoir des glaces, de Camilla Sten est de ceux-là. Eleanor, la narratrice, a une trentaine d’années et souffre depuis toujours de prosopagnosie : elle ne reconnaît pas les visages. C’est une pathologie invalidante et terriblement angoissante, mais la jeune femme sait comment vivre avec. Suite au décès de sa mère, c’est sa grand-mère, Vivianne, qui l’a élevée. Un dimanche soir de septembre, Eleanor, se rendant chez sa grand-mère, trouve celle-ci agonisante, une paire de ciseaux plantée dans la gorge. Sur le palier, elle a croisé le tueur. Qu’elle est incapable d’identifier. Vivianne était une femme très belle. Cruelle et revêche. En un mot, odieuse. Après sa mort, Eleanor apprend que sa grand-mère lui a légué un manoir isolé dans la forêt, le Domaine de Haut Soleil. La jeune femme n’avait jamais entendu parler de cette propriété auparavant. Afin de procéder à un inventaire de succession, Eleanor, Sebastian û son petit ami, Veronika û sa tante, et Rickard û l’avocat en charge du dossier, se rendent sur le domaine. Nous sommes en plein hiver, le blizzard se lève et le froid envahit la campagne. Au sein du manoir, l’ambiance est tendue entre les quatre protagonistes. D’ailleurs, ne sont-ils que quatre ? On se le demande. Des voix, des portes qui se ferment, des silhouettes qui apparaissent, des grincements, vont nous faire douter. Dans ce huis-clos anxiogène et terriblement bien mené, le journal intime d’Anushka, vingt ans en 1968, et domestique de Vivianne à cette époque, vient s’intercaler, sans jamais rien clairement révéler. Le suspense est constant, les coups de théâtre s’enchainent, on pense entrevoir la réalité, et de nouveaux secrets affleurent, détricotant toutes nos certitudes. C’est nébuleux et tordu à souhait. J’ai eu un véritable coup de foudre pour Le Manoir des glaces.
